Thème

Église

Auteurs

Philip Nunn

Lieu

Eindhoven

Date

01/06/2009

Votre Assemblée évolue-t-elle ?

avantages et dangers de la connaissance de son identité

Merci Seigneur, non ! Certains croyants sincères et fidèles soutiennent que puisque la Parole de Dieu ne change pas, leur assemblée locale ne devrait pas non plus changer. Cette réaction présume qu’à un certain moment, dans leur passé, ils ont eu une connaissance complète de l’Écriture et que leurs diverses mises en pratique de l’Écriture étaient fondamentalement correctes. Cela présume également qu’un groupe choisi de poètes et musiciens chrétiens ont dans le passé exprimé tout ce qui était nécessaire, et que par conséquent, il n’est pas utile d’avoir de nouveaux recueils de cantiques. Cela suppose que certains arrangements, bons et convenant à une certaine culture dans le passé (comme le style des vêtements, les couleurs, les arrangements musicaux, le vocabulaire et les heures des réunions) sont bonnes pour toutes les cultures ou toutes les époques. Ils croient que leur assemblée était dans le vrai à un certain moment du passé, et qu’il leur incombe de la conserver ainsi. Les changements sont regardés avec suspicion puisqu’ils vont vraisemblablement ouvrir la porte à des départs.

Grâce à Dieu, oui ! D’autres croyants sincères et fidèles soutiennent qu’une assemblée normale et en bonne santé doit évoluer constamment car ils cherchent à mieux comprendre la Parole de Dieu et qu’ils tentent de relier la Parole immuable de Dieu à un monde en mouvement. La foi chrétienne d’aujourd’hui doit absolument être exprimée d’une manière culturellement pertinente dans le langage courant. Mais le danger est présent. Certains, par exemple, partent du principe que toutes les traductions modernes de la Bible sont bonnes et  exactes tout simplement parce qu’elles sont plus faciles à lire. D’autres pensent que tout nouveau cantique qui dit « Jésus, je t’aime » doit convenir à leur congrégation. Certains croyants naïfs pensent que la culture est neutre moralement, mais il existe des courants sataniques puissants qui tentent de corrompre et de dégrader toutes les cultures (Éphésiens 2 : 2). Ils cherchent à tordre ou détruire toute preuve encore visible de Dieu. Lorsque nous tentons d’être en adéquation avec notre culture, il ne faut pas lui permettre de déterminer notre interprétation de la Bible. C’est l’inverse qui doit se produire. L’Esprit de Dieu désire utiliser l’Écriture pour déterminer notre contribution à notre culture. N’oublions pas que la foi chrétienne devait être un mouvement contre-culture (Jean 15 : 19 – Romains 12 : 2). Si nous nous fondons dans notre culture, nous cesserons d’en être le sel et la lumière.

La parabole de la boulangerie

Il y a plusieurs années, un groupe de boulangers mécontents a fait dissidence des boulangeries officielles. Parmi leurs doléances, on trouvait que les recettes existantes étaient limitées et de peu de valeur nutritionnelle. Il était  pratiquement impossible de chercher d’anciennes recettes ou d’en créer de nouvelles, parce que les recettes étaient soumises au contrôle central. Ces boulangers mécontents ont formé une confrérie, que l’on appelait à l’époque « les boulangeries sans nom ». Étant donné qu’ils n’avaient pas besoin de licence pour travailler, ces boulangers se sont rapidement répandus dans le monde entier. Ils ont fait du bon pain, et ceux qui le mangeaient étaient habituellement reconnaissants et en bonne santé. Mais bientôt, l’attitude bienveillante a commencé à changer. On a refusé à des boulangeries n’appartenant pas aux « boulangeries sans nom » le statut de « boulangerie », et on les a simplement appelées « boutiques ».

Il n’est alors pas surprenant que bientôt, la plupart de ces boulangers, leurs enfants et leurs clients ont commencé à penser que les boulangeries sans nom étaient les seuls boulangeries de la ville. Ils enfournaient les bonnes recettes habituelles héritées des boulangers fondateurs, et encourageaient tous ceux qui se trouvaient dans leur cercle d’influence à prendre bien soin de leur santé, à ne manger que ce qui était bon pour eux, c’est-à-dire à n’acheter leur pain que dans les boulangeries sans nom. C’est ce que faisaient la plupart d’entre eux, et ils en étaient satisfaits. À l’occasion, peut-être pendant des vacances, quelques boulangers ou clients blessés ou aventureux achetaient, mangeaient et appréciaient du pain acheté dans une « boutique » locale, mais cela était considéré comme dangereux.

À un certain moment, le Seigneur est intervenu dans cette situation. Il a humilié les cœurs et ouvert les yeux de plusieurs. Ils ont été très heureux de réaliser qu’ils n’étaient pas seuls, que le Seigneur avait beaucoup d’autres boulangeries en ville. On a alors assisté à une ruée enthousiaste pour acheter et manger tout ce qui était nouveau et différent dans les autres boulangeries. La liberté d’explorer toutes les boulangeries et d’essayer tous ces nouveaux types de pains, gâteaux et biscuits a provoqué une euphorie bien compréhensible. Comment arriver à choisir parmi une telle variété ? Beaucoup ont supposé que tout produit ayant le mot « Bible » inscrit dans sa liste d’ingrédients était sûr et de bonne valeur nutritionnelle. Ils ont simplement mis dans leur caddie ce qui était à vendre, ou ce qui passait le plus dans les publicités, ou ce que la majorité des gens achetait. En y réfléchissant, quelques clients admettaient que leurs achats étaient plus fréquemment motivés par la nouveauté, l’odeur et l’aspect que par l’étude soigneuse des ingrédients. Ces changements rapides ont provoqué une crise d’identité auprès de nombreux boulangeries sans nom. Elles avaient l’habitude de bien travailler lorsqu’elles étaient en situation de « monopole » et maintenant, elles se trouvaient face à une « concurrence », une « gamme de produits » et un « marché libre ». Que fallait-il faire maintenant ? En gros, chaque boulangerie devait choisir l’une des quatre stratégies possibles :

  1. Ne pas changer : ignorer les autres recettes, ou les dénigrer. Les boulangeries sans nom qui modifient ou améliorent une recette doivent être évitées et rétrogradées au statut de « boutique »
  2. Fermer : étant donné le nombre important de boulangeries en ville, pourquoi conserver les boulangeries sans nom ? Encourageons les clients réguliers à trouver une autre boulangerie.
  3. Suivre la tendance du marché : qu’achète la plupart des gens actuellement ? ils étudient la réussite des autres boulangeries. Et puis ils rejettent toutes les vieilles recettes et les remplacent par celles qui se vendent le mieux.
  4. Développer et croître : Soyons sélectifs. Identifions les meilleures parmi les anciennes recettes et conservons-les, rejetons les recettes excentriques et mauvaises pour la santé, et découvrons et améliorons les bonnes recettes des autres boulangeries.

Il est clair que si l’une des boulangeries de la ville vend des biscuits contenant du verre, tous les clients doivent être alertés de manière responsable. Il faut affronter les erreurs dangereuses, les exposer et les rejeter (Galates 2 : 11-16). Si le Seigneur indique que c’est le moment de fermer votre assemblée ou de la fusionner avec une autre, il faut obéir avec courage. Avant de choisir l’option 3), souvenez-vous que le pain le plus populaire n’est pas toujours le meilleur pour la santé. Vous pouvez vous poser des questions dérangeantes. Avons-nous hérité d’enseignements et de coutumes qui sont scripturaires et valent la peine qu’on s’y tienne ? Devons-nous changer le goût, la forme ou les réglages du four pour certains de nos pains nourrissants ? Si vous avez au moins une bonne recette qui n’est pas utilisée dans l’une des boulangeries de votre quartier, alors l’option 4) peut être la meilleure à suivre (Matthieu 13 : 52). Suivre la stratégie 4) produira des boulangeries qui apprécient ce que le Seigneur leur a donné dans le passé et sont déterminées à continuer à apprendre et à croître. Ces boulangeries vendent du bon pain tout en conservant leur caractère propre et leur identité.

Ce n’est pas toujours à la mode d’être différent

Il est intéressant de remarquer que dans notre société moderne, il est à la mode de réduire, voire supprimer les différences. Il y a trente ans, il était très facile pour un non initié comme moi de reconnaître une Volvo, une Citroën, une Ford, une Volkswagen. Pour y arriver maintenant, je dois y regarder de très près. Nous ne sommes plus encouragés à penser que nous sommes britanniques, français, allemands ou hollandais, nous devons nous considérer comme Européens. Il est politiquement dangereux de faire une quelconque remarque au sujet de la race ou du sexe. Même les religions incompatibles par essence perdent leurs caractères distinctifs en étant regroupées sous le vocable de « communautés religieuses ». Ce qu’elles ont en commun, c’est la religion. Ce à quoi elles croient n’a pas vraiment d’importance. Au sein même des évangéliques, il est également à la mode de gommer les différences. La musique, les media, la croissance des ministères para-ecclésiastiques, les auteurs et orateurs populaires transcendent les barrières et encouragent l’homogénéité dans la théologie et la pratique. L’élimination de nombreuses différences a été globalement positive pour l’Église de Christ, mais est-ce toujours bon ? Des communautés arrogantes, sectaires et mortes insistent sur le fait qu’elles sont différentes des autres, mais l’opposé est-il obligatoirement vrai ? Le fait d’être différent doit-il être assimilé à l’arrogance, le sectarisme ou la mort spirituelle ? La préservation de certaines différences peut-elle être positive, ou parfois même nécessaire ?

La plupart des communautés chrétiennes a hérité de bonnes choses. Une partie de cet héritage peut être biblique, mais pas très populaire dans la « manière de faire » actuelle de la chrétienté. S’accrocher à cet héritage peut rendre différent des autres. Si cette différence est vécue sans arrogance, sans former une secte autour de cette différence, elle peut devenir un bon exemple pour les autres, et peut être utilisée par le Seigneur pour protéger et enrichir le corps de Christ tout entier. Par exemple, des congrégations avec un arrière-plan puritain ou quaker ont hérité d’un goût pour la contemplation et la méditation collectives. Au contraire des églises évangéliques « moyennes », elles n’ont pas peur de rencontrer le Seigneur pendant des moments de silence. Elles devraient conserver ce trait distinctif et être un exemple de rééquilibrage pour nous tous. Des congrégations avec un arrière-plan morave ont hérité de leurs pères un zèle évangélique altruiste, prompt au sacrifice et presque suicidaire. Quelques-uns de leurs pionniers se sont ainsi vendus comme esclaves afin d’annoncer l’évangile aux esclaves africains sur les bateaux, et ils ont ainsi vécu, travaillé et sont morts avec eux dans les champs. Il ne faut pas qu’ils s’écartent de ce zèle, ni qu’ils l’échangent contre nos projets missionnaires motivés par le social et ressemblant à des vacances. S’ils conservent leur identité de manière ouverte et humble, ils nous seront un modèle à tous, et nous en avons besoin !

Les trois boîtes de recettes

Il y a de par le monde de nombreux rassemblements de Frères. J’écris moi-même dans ce contexte. Nous avons certainement beaucoup à apprendre des autres communautés chrétiennes, mais avons-nous hérité de quelque chose de distinctif auquel il serait bon de s’accrocher ? Si c’est le cas, de quoi s’agit-il ? Je vous encourage à faire l’exercice suivant en petits groupes. Prenez trois boîtes.

Boîte A : nos bonnes recettes tirées de la Bible.

Boîte B : nos recettes « dangereuses », « excentriques » et « inutiles »

Boîte C : des recettes utiles fondées sur la Bible, que nous pouvons apprendre des autres boulangeries.

Encouragez alors les participants à suggérer des recettes pour chacune des trois boîtes. N’oubliez pas de solliciter la participation des aînés : ils sont un lien vivant avec  notre passé. La discussion qui en suivra peut être très édifiante.

Dans la boîte C, vous rassemblerez des suggestions d’amélioration. Selon les dons et les expériences vécues avec le Seigneur, un groupe de croyants peut devenir un « modèle pour tous les croyants » (1 Thessaloniciens 1 : 7). Nous pouvons tout à fait apprendre des autres congrégations. Il nous est demandé « mettez tout à l’épreuve, retenez ce qui est bon» (1 Thessaloniciens 5 : 21, Bonne Semence). Nous pouvons nous améliorer dans les domaines où nous sommes faibles. Par exemple, nous pouvons apprendre des autres comment fournir un meilleur soin pastoral au troupeau, comment guider les autres vers la libération des dépendances charnelles et des influences démoniaques, comment mieux atteindre un monde sans Dieu, et bien davantage encore.

La boîte B va contenir un certain nombre de questions culturelles perturbantes. De manière générale, insister sur certaines d’entre elles « éteint l’Esprit » dans la congrégation (1 Thessaloniciens 5 : 19). Par exemple, insister sur le fait qu’une seule traduction de la Bible soit correcte, ou sur l’usage de « ce » recueil de cantiques ; exiger une manière de s’habiller ou un vocabulaire religieux. Notez bien qu’à un certain stade dans le temps, un zèle scripturaire peut constituer une entrave à l’œuvre de Dieu dans une autre génération ou une autre culture. Les règles humaines, quelque nobles qu’elles soient à l’origine, peuvent devenir des jougs sur le cou des croyants. Répondant à cette tendance humaine de rajouter à l’Écriture et de compliquer les choses, Jacques concluait : « C’est pourquoi je suis d’avis qu’on ne crée pas des difficultés à ceux des païens qui se convertissent à Dieu » (Actes 15 : 10, 19, Louis Segond).

Heureusement, la boîte A contiendra de nombreuses recettes. Vous remarquerez que nous avons beaucoup d’entre elles en commun avec d’autres congrégations chrétiennes autour de nous, comme par exemple la prédication de l’évangile, l’adoration collective et l’amour pour la Parole de Dieu. Certaines d’entre elles seront utilisées administrativement pour aider la communauté à fonctionner « avec bienséance et avec ordre » (1 Corinthiens 14 : 40), comme la disposition des sièges, les horaires et la forme des réunions. Mais vous remarquerez également que certaines recettes contenues dans cette boîte sont fondées sur la Bible et pas très courantes au sein des autres communautés chrétiennes de votre région. Soulignez-les. Le fait que ces recettes se trouvent au milieu d’autres bonnes recettes fait la différence pour votre boulangerie. Elles donnent son identité à votre assemblée.

Reconnaître votre identité

En fonction de ce à quoi ressemblent les autres communautés chrétiennes autour de vous, les caractéristiques suivantes peuvent faire partie de votre identité : Sola Scriptura, cela veut dire que la Bible, et la Bible seule, a l’autorité finale. Les traditions humaines peuvent être utiles, mais n’ont aucune autorité. Lorsqu’on interprète la Bible, il est fait une claire distinction entre la manière dont Dieu agit envers Israël ou l’Église. Il n’y a pas de différence entre un clergé ou un groupe professionnel, et le reste de la congrégation. Chaque croyant est appelé à adorer et à servir le Seigneur en fonction de ses dons, de son expérience et de son état moral. La conduite de l’assemblée est effectuée par un groupe de frères mûrs, que l’on appelle d’habitude les anciens. Chaque vrai(e) croyant(e) est reconnu(e) comme un frère ou une sœur en Christ. Le message évangélique est clairement centré sur Jésus, et enseigne que ceux qui sont nés de nouveau sont pour toujours des enfants de Dieu. Le baptême d’eau est enseigné et favorisé. La Cène, célébrée normalement chaque semaine, est le centre de leur spiritualité.

Reconnaître un nouveau signe distinctif

Lorsque les chrétiens qui vous entourent partent surfer sur une nouvelle vague ou rejettent quelques principes bibliques, votre assemblée peut de ce fait acquérir un nouveau signe distinctif. Par exemple, depuis le début de l’Église jusqu’à il y a quelques dizaines d’années, dans la plupart des congrégations chrétiennes, les hommes et les femmes tenaient des rôles différents dans la famille et dans l’église locale. Pour certaines assemblées, la pratique de cet enseignement biblique est maintenant devenue un signe distinctif. Plus récemment, dans certaines régions du monde, le fait de considérer comme péché la pratique homosexuelle est également devenu partie de leur identité. Remarquez que ce qui constitue l’identité de votre assemblée peut évoluer au fil du temps.

Avantages et dangers de la connaissance de son identité

Il existe plusieurs dangers à identifier et souligner un ensemble de caractéristiques donnant son identité à votre assemblée. Cela peut favoriser un sentiment malsain de singularité, encourageant l’arrogance plutôt que la reconnaissance. Mises en avant à tort, cela peut bloquer notre capacité à apprendre des communautés qui ne partagent pas nos caractéristiques. De plus, nous pouvons donner aux signes distinctifs de notre identité une importance ou un statut plus élevés que cela n’est justifié par les Écritures. Ils peuvent être utilisés comme un outil pour nous isoler plutôt que pour encourager, inspirer et bénir. Il peut vraiment être dangereux de reconnaître notre identité et pourtant, nous pouvons en tirer un grand profit. Faire le point des bonnes choses en notre possession, y compris ce qui est scripturaire mais pas pratiqué habituellement dans notre région, peut être un stimulant pour l’étude, l’enseignement, la pratique et pour ne pas oublier notre bon héritage spirituel. La connaissance de notre identité favorisera la transmission de cet héritage à la génération suivante. De plus, être au clair sur son identité peut servir de tremplin à l’encouragement de congrégations partageant la même identité, afin qu’elles se mettent en relation, échangent et s’édifient l’une l’autre. Joindre ses forces de manière non exclusive et non sectaire peut devenir un modèle d’encouragement et mettre en avant des principes bibliques pour l’enrichissement et la bénédiction du corps de Christ tout entier.

Conclusion

Aucune assemblée chrétienne n’est parfaite tant en doctrine qu’en pratique, ni ne l’a été à aucun moment dans le passé. La perfection est à venir, mais uniquement lorsque nous serons au Ciel ! Jusque là, nous devons chercher collectivement à marcher plus près du Seigneur, à nous soumettre davantage aux Écritures, à prendre mieux soin des brebis et des perdus. Il est impossible de s’améliorer sans changer ! Le changement ouvre une porte qui permet aux choses d’ « entrer » et de « sortir ». Que le Seigneur nous donne la sagesse afin que nous puissions déterminer ce que nous devons « laisser entrer » et « faire sortir », « inviter à entrer » et « pousser  dehors », et ensuite le courage pour agir. Dans la création de Dieu, tous les organismes vivants font l’expérience de la croissance et du changement qui renouvelle. Votre assemblée ne fait pas exception.